Cette femme de 46 ans conteste la peine avec sursis à laquelle sa belle-mère a été condamnée en appel. La chambre criminelle de la Cour de cassation doit lui répondre aujourd’hui.
Son tortionnaire est mort il y a presque dix ans mais Lydia Gouardo n’est pas prête d’oublier les souffrances endurées dans la maison de Coulommes (Seine-et-Marne) qu’elle n’a pourtant pas quittée. Les viols, les tortures commis par celui qu’elle appelle le « Vieux », son père légitime, mais pas biologique. Vingt-huit années durant, entre 1971 et 1999, Raymond Gouardo a abusé de Lydia, sous l’œil complice de sa compagne, Lucienne Ulpat. Six enfants – des garçons – sont nés de cet odieux inceste – « Si le Vieux était encore vivant, j’en aurais sans doute eu douze ! » confie Lydia à FranceSoir.fr (lire ci-dessous), avec une lucidité désarmante.
Disparu, le « Vieux » n’a jamais eu à répondre de ses actes devant la justice. Mais la « Vieille », cette belle-mère aujourd’hui âgée de 68 ans, n’a pas échappé aux juges. Le tribunal correctionnel de Meaux, puis la cour d’appel de Paris l’ont tour à tour reconnue coupable de « non-empêchement de crime ». Après ce second procès, tenu à huis clos, les magistrats ont condamné Lucienne Ulpat à quatre ans de prison avec sursis en avril 2008. Selon l’accusation, elle avait assisté plusieurs fois aux scènes de viols sans rien dire. Elle a aussi été reconnue coupable d’agressions sexuelles sur l’un des fils de Lydia, qu’elle faisait dormir dans son lit. A ce titre, la cour a alloué 3.000 euros de dommages et intérêts au jeune homme et 6.000 euros à Lydia. En première instance, la « Vieille » s’était vu infliger une peine de trois années d’emprisonnement avec sursis.
Pourtant, lors des audiences, Lydia Gouardo avait expliqué, avec ses mots frustes – « J’ai pas fait l’école », s’excuse-t-elle toujours gentiment. Avait rappelé « la première fois », ce premier inceste commis par son père alors qu’elle n’avait que 8 ans. Peu de temps avant, elle avait été torturée par sa belle-mère : « Elle m’a plongé les jambes dans l’eau bouillante et après, elle a frotté les cloques avec une brosse. » Lydia avait également raconté le long calvaire, l’hospitalisation après les brûlures au troisième degré. L’absence de scolarité – retirée de l’école par son père sans que les services sociaux ne s’en inquiètent. Les viols qui se poursuivaient. Les fugues lors de l’adolescence, les placements dans des foyers. Chaque fois, le « Vieux » venait la récupérer. Les voisins qui savaient… Toutes « ces choses » qu’elle a tenu à décrire dans un livre exutoire publié l’an dernier (*).
Sur un carnet, elle avait noté, en prévision du procès en appel, ce qu’elle voulait « oser dire à la Vieille » et qu’elle a réussi à prononcer. Le jugement, néanmoins, n’a pas été à la hauteur de ses espérances. « Quatre ans avec sursis, une honte ! » s’indigne-t-elle encore aujourd’hui.
Déclarée handicapée après de nombreuses brûlures à l’acide chlorhydrique, Lydia, pour autant, ne baisse pas les bras. Avec le soutien sans faille de son compagnon, Sylvain, rencontré un an après le décès de son père, elle a choisi de poursuivre le combat et formé un pourvoi contre la condamnation de Lucienne Ulpat. La chambre criminelle de la cour de cassation doit donner aujourd’hui sa décision.
(*) Le Silence des autres, de Lydia Gouardo, avec le journaliste Jean-Michel Caradec’h, éd. Michel Lafon, 258 p., 17,95 euros.
FRANCE-SOIR. Pourquoi ce recours devant la Cour de cassation ?
LYDIA GOUARDO. Parce que cette condamnation de la Vieille (NDLR : Lucienne Ulpat, sa belle-mère) à quatre ans de prison avec sursis, c’est n’importe quoi. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas une justice.
Que souhaitez-vous ?
Je veux qu’elle aille en prison pour ce qu’elle m’a fait, je veux qu’elle fasse au moins huit jours de prison. Elle n’a jamais été emprisonnée sauf pendant la garde à vue. Ce qui m’énerve, c’est qu’elle n’a pas été punie. Je veux un nouveau procès. La justice a reconnu que les faits ont eu lieu, que j’ai dit la vérité, mais elle n’a rien fait. Mon père est mort mais j’aurai voulu qu’il aille en prison aussi. Ça m’aurait fait du bien.
Votre belle-mère n’a jamais avoué…
Elle n’a pas avoué, mais elle n’a pas dit que ce n’était pas vrai ! Elle participait. Elle me tenait quand le Vieux… Elle m’a brûlée avec de l’acide et je dois me faire réopérer à cause de ce qu’elle m’a fait.
Avez-vous eu des contacts avec votre belle-mère depuis sa condamnation ?
Non, mais parfois je la croise dans le centre-ville de Meaux car elle distribue des journaux dans la rue. Et quand je la vois, mon cœur fait boum. J’ai encore peur d’elle. J’ai peur aussi qu’elle recommence avec quelqu’un d’autre car on dit que ces gens recommencent toujours. Même si elle a 68 ans, elle se porte bien, je vous assure ! On devrait lui mettre les bracelets (électroniques) si elle ne va pas en prison, pour la surveiller.
Comment vivez-vous tout ce qui s’est passé ?
Mal. Ça me dégoûte. Je me demande souvent si ce que je fais est normal car je ne sais plus ce qui est normal. J’ai des moments de cafard. Je me sens coupable. Je ne comprends pas pourquoi on ne m’aide pas. Mais je me dis que je vais y arriver. Que la nouvelle année va commencer avec une bonne nouvelle…
Il y a près d’un an, vous avez écrit une lettre à Elizabeth Fritzl, cette Autrichienne retenue pendant vingt-quatre ans par son père dans une cave. Avez-vous eu une réponse ?
Non. Je sais qu’elle a changé de nom. Moi aussi, j’ai demandé et j’attends toujours. J’aimerais bien aller au procès de son père. Ce serait un peu comme si c’était le procès du Vieux.
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