L’éphémère porte-parole des routiers lors du conflit de 1992 coule aujourd’hui des jours paisibles de retraité. Loin des micros et des barrages.
« Qu’on ne touche pas à notre permis, c’est notre outil de travail. On ne sait pas quoi faire d’autre que de conduire ! » En plein cœur de l’été 1992, les Français découvrent le visage de « Tarzan ». Casquette rouge, cheveux longs et gouaille télégénique, Daniel Leiffet est bombardé voix officielle des chauffeurs routiers en colère. « Un concours de circonstances », assure-t-il. Le 1er juillet 1992, le projet de mise en place du permis à points provoque la colère des routiers. La gronde s’organise et, très vite, la route des vacances se transforme en grand embouteillage. « Les collègues bloquaient déjà les autoroutes, se souvient Daniel Leiffet, alors chauffeur de camion-citerne à Gennevilliers. » Mais le gouvernement socialiste de l’époque ne cède pas. « On a fait un truc jamais vu : avec un ou deux potes, on a bloqué les dépôts de carburant. C’était très facile et ça a eu le mérite de faire bouger l’Etat », raconte-t-il sur un ton gourmand. Le coup attire aussi les journalistes, qui trouvent en Daniel Leiffet l’interlocuteur idéal : « Je crois qu’ils ont flashé sur moi. Avec ma boucle d’oreille, mes 135 kg et mes cheveux longs, j’avais un look qui leur plaisait. » « Tarzan », son surnom de cbiste, est un routier plus vrai que nature, à la limite du cliché, et acquiert le statut de chouchou des médias. Unes de la presse, reportages dans les journaux télévisés, il goûte à la célébrité avec un réel plaisir. Tout en martelant son message principal : la nécessité d’imposer un permis à points professionnel pour que les routiers qui roulent treize heures par jour ne soient pas pénalisés.
Mais l’exposition n’a pas que des avantages. « La plupart des gens qui me reconnaissaient et qui m’abordaient étaient vachement sympas, mais d’autres moins. Et puis les syndicats ont très vite essayé de me récupérer. Toutefois, il n’était pas question pour moi de me laisser entraîner là-dedans. » L’électron libre prend un peu trop bien la lumière, au grand dam des syndicalistes. Après dix jours de blocage du pays, un accord est trouvé. Le gouvernement cède sur certains points techniques et accorde quelques avantages aux routiers, mais il ne renonce pas au permis à points et ne créent pas le fameux permis professionnel. « On a au moins obtenu la suppression des mouchards qui permettaient de nous sanctionner sur d’anciens excès de vitesse », se souvient Daniel Leiffet. Le conflit terminé, « Tarzan » ne retombe pas dans l’anonymat. En septembre, il est reçu par Pierre Bérégovoy, le Premier ministre de l’époque. « 1 h 10 de tête-à-tête, lâche-t-il, pas peu fier. C’était un sacré bonhomme, un petit gars parti de rien. Humainement, on s’est compris, je crois. Même s’il n’a rien décidé. Mais au moins, contrairement aux mecs comme Jean-Louis Bianco (le ministre de l’Equipement, du Logement ou du Transport de l’époque, NDLR) ou Georges Sarre (secrétaire d’Etat aux Transports routiers), il savait ce qu’était le terrain. » N’empêche, entre-temps, Daniel Leiffet est devenu une star. Il se raconte sur le plateau de Bas les masques, le talk-show de Mireille Dumas. TF1 lui propose même d’avoir sa propre émission… Le projet ne verra jamais le jour. « On m’a écrit un livre (*) aussi ! » lance-t-il, enthousiaste et franc. Vendue à 7.000 exemplaires, cette biographie-témoignage ne l’a pas enrichi. « Ça m’a quand même permis de voir venir après m’être fait virer de mon boulot en 1993 parce que mon patron en avait marre de me voir à la télé. »
Au chômage quelques mois, il se rend compte que le monde des routiers ne veut plus de lui – il n’a d’ailleurs gardé aucun contact avec les « collègues » de l’époque. Il passe un concours dans la fonction publique pour devenir chauffeur à la ville de Paris. D’abord au volant de poids lourds municipaux, il change ensuite d’affectation pour passer au cabinet du maire. « Je n’ai jamais transporté Tiberi ou Delanoë, je m’occupais des chefs de cabinet. » Un changement de vie qui s’accompagne d’un changement d’allure. Cheveux coupés ras, costume cravate – seule la boucle d’oreille survit à ce relooking forcé –, le « Tarzan » nouvelle version passe désormais inaperçu … et renonce du même coup à l’engagement. « On m’a parfois demandé mon avis sur les conflits des routiers, comme en 1996. Cependant, une fois devenu fonctionnaire, je n’étais plus franchement crédible. Mon engagement de l’époque était ponctuel, afin de défendre mon outil de travail. Rien de plus. » En mars 2009, il prend sa retraite et quitte la capitale pour Saint-Jean-de-Luz. « J’ai même perdu mon bouquin dans le déménagement. Faudrait que je le rachète, ça fait des souvenirs et je voudrais le montrer à ma meilleure amie ! » Avec cette fameuse amie, Daniel Leiffet parcourt le Pays basque – en voiture, évidemment – et pousse parfois jusqu’à l’Espagne. Il trouve la vie « cool » et, même si les médias ne le sollicitent plus vraiment aujourd’hui, il ne refuse jamais une interview. « A bientôt ! » lance-t-il à la fin de l’entretien, certain qu’il évoquera de nouveau ces quelques journées où il fut le visage le plus célèbre de France.
(*) Moi, Tarzan, éditions JC Lattès
REPÈRES
1948
Le 26 juin, naissance de Daniel Leiffet à Paris.
1962
Il commence à travailler comme coupeur d’abat-jours. A 22 ans, il passe son permis poids lourds et devient chauffeur routier.
1992
Du 1er au 9 juillet, « Tarzan » devient le porte-parole des routiers lors de la grève contre la mise en place du permis à points.
1993
Il est renvoyé de son travail. Il passe un concours administratif pour devenir chauffeur à la Ville de Paris.
2009
Le 9 mars, il prend sa retraite et s’installe à Saint-Jean-de-Luz.
Devenue célèbre du jour au lendemain à 13 ans avec Diabolo menthe, en 1977, elle dirige ...
commentercet bien bonne retraite avec tous ceque vous avez fait pour defendres vos collegues roger toulouse
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