Marie-France Pisier : La belle s’est éteinte

Marie-France Pisier était d’une élégance troublante. Un visage énigmatique et magnétique dont les yeux verts lançaient des éclairs. Elle est morte à 66 ans, retrouvée dans la piscine de sa propriété du Var, à Saint-Cyr-sur-Mer, dans des circonstances qui restent encore inexpliquées. Révélée par François Truffaut qui la repéra à Nice et lui offrit en 1961 le rôle de Colette dans Antoine et Colette (un volet au cœur de la saga d’Antoine Doisnel avec Jean-Pierre Léaud), elle s’illustre surtout dans des seconds rôles d’œuvres souvent intimistes. C’est d’ailleurs dans Cousin, cousine, de Jean-Charles Tachella, où elle joue une femme dépressive plongée dans une cure de sommeil, qu’elle est récompensée en 1976 du César de la meilleure actrice pour un second rôle. L’année suivante, elle est de nouveau primée, toujours pour un second rôle, dans Barocco, d’André Téchiné.

Une femme engagée

Diplômée en droit et science politique, Marie-France Pisier fut aussi une citoyenne engagée, notamment lors des manifestations étudiantes de 1968 où elle fut la compagne de Daniel Cohn-Bendit. Quelques années plus tard, elle milite activement pour la contraception, puis l’avortement. Parallèlement à ces combats idéologiques, elle poursuit sa carrière à la télévision et au cinéma. Elle brille ainsi dans la série télé à succès Les Gens de Mogador, au début des années 1970, et dans des films populaires comme Le Corps de mon ennemi d’Henri Verneuil, en 1976, au côté de Jean-Paul Belmondo (qu’elle retrouvera en 1982 dans L’As des as, sous la direction de Gérard Oury). On se souvient encore de sa prestation dans Le Prix du danger, d’Yves Boisset, en 1983, où elle incarne la vénéneuse productrice Laurence Ballard, conceptrice d’un jeu télé dans lequel les candidats risquent leur vie pour tenter de remporter un million de dollars. Un film annonciateur de la dérive de la télé-réalité… En 1996, elle fait un retour en grâce dans Marion, de Manuel Poirier, où elle joue une femme en mal d’enfant.

Marie-France Pisier continuait de tourner pour la télévision et le cinéma (on l’a vue récemment dans Il reste du jambon ? d’Anne de Petrini). Actrice, elle était aussi auteur, scénariste et réalisatrice. Elle signe ainsi en 1990 Le Bal du gouverneur, avec Kristin Scott Thomas, adapté de l’un de ses romans sur son enfance en Nouvelle Calédonie. En 2002, elle réalise son deuxième film, Comme un avion, inspiré du décès de ses parents. Selon des proches de l’actrice, Marie-France Pisier venait de donner son accord pour se rendre à Cannes à l’occasion de l’hommage qui sera rendu à Jean-Paul Belmondo. Un hommage que sa présence et son charme auraient forcément illuminé.

Une mort mystérieuse

C’est le mari de Marie-France Pisier, étonné de ne pas la trouver à ses côtés au milieu de la nuit, dans leur propriété de Saint-Cyr-sur-Mer, qui est parti à sa recherche dans la villa avant de découvrir le corps flottant inanimé au milieu de la piscine. Le gardien de la propriété a aussitôt alerté les secours, mais l’hôpital de Toulon n’a pu que constater le décès, à 7 heures du matin. « Le corps ne portait pas de trace de violence externe », a indiqué le parquet. Le mystère demeure, ce lundi, mais le parquet de Toulon a écarté l'éventualité criminelle. Les proches de la comédienne affirement qu'elle ne souffrait pas de dépression. Le suicide serait donc une hypothèse rejetée de facto par les enquêteurs.

Hommages

« C’était une femme d’une énergie absolument solaire, qui était curieuse de tout, qui ne se reposait jamais sur ses lauriers d’actrice. » Kristin Scott Thomas 

« Une grande classe et une grande intelligence. » Yves Boisset

« Une femme libre, engagée politiquement, profondément attachée aux interrogations de notre temps. » François Fillon 

« Une femme de caractère dont le charme et le jeu si subtil ont marqué le cinéma français. » Frédéric Mitterrand

« Elle était rare, généreuse, sans aucune prétention, exigeante avec elle-même et avec les autres. » Robert Hossein