Né l'année du lancement de la série XIII sur une terre qui a donné naissance à quelques grands noms du 9ème art (dont Jacques Martin et Blutch), je n'ai pas vraiment été élevé dans le culte de la bande dessinée, même si la littérature a bercé ma jeunesse. Mon enfance est partagée entre les incontournables de la ligne claire et les comics Disney et Marvel. Ce n'est qu'à l'adolescence - par le biais de ma passion pour l'aéronautique, de Buck Danny, de Tanguy et Laverdure, de Biggles et des autres - que je m'aventure vraiment dans les méandres de la bande dessinée. Un univers sans fin dans lequel j'aime me perdre, cueillant au passage quelques perles qui feront autant de grands moments de lecture. De Bilal à Goscinny, de Van Hamme à Tardi, ces influences plurielles guident toujours mes choix aujourd'hui et prouvent qu'il existe de la bande dessinée pour tous les goûts. L'important étant d'essayer avant de juger.
Dans la Sélection de cette semaine, exceptionnellement repoussée de deux jours pour cause de sortie de Titeuf, le film, les deux premiers volets de la série très originale en six tomes Alter ego, un album poignant et militant sur les demandeurs d'asile, et la seconde partie de la tétralogie d'anticipation signée Corbeyran.
Camille est une jeune Française vivant à Singapour. Elle entretient des relations très complexes avec sa mère, chercheuse en psychologie et en neuroscience, qui décède brutalement quelques jours seulement après avoir reçu un coup de fil pour le moins intriguant. Accomplissant l'une des dernières volontés de sa mère, Camille s'envole pour l'Angola où elle doit remettre une lettre à un inconnu. Fouad, infirmier belge au passé trouble, travaille quant à lui comme bénévole pour une mission humanitaire lorsqu'il assiste, impuissant, à un enlèvement. Il soupçonne très vite la WW2A (World war to aids), la très riche ONG pour laquelle il travaille, d'utiliser certaines populations du tiers-monde comme cobayes humains pour des expérimentations pharmaceutiques. Encore faut-il pouvoir le prouver...
Une série, six héros, six points de vue. Thriller d'anticipation sur fond de découverte scientifique majeure, Alter ego se présente sous la forme d'un puzzle narratif. Chacun des six albums se lit indépendamment des autres et apporte sa part de réponse à l'énigme. Les personnages principaux ne se connaissent pas, mais vont tous, à un moment ou à un autre, se croiser. Un concept original et addictif servi par un dessin classique et très efficace.
Alter ego - Camille et Fouad, Lapière, Renders, Benéteau et Reynès, éd. Dupuis, 64p., 11,95 euros, disponible
Jeune dessinateur de BD (Droit d'asile est d'ailleurs son premier album), Étienne Gendrin s'est intéressé aux demandeurs d'asile. Il en a rencontré plusieurs au Foyer du jeune homme de Strasbourg, un lieu d'accueil géré par l'Armée du Salut et financé par la Région Alsace où ces immigrés sans-papiers trouvent chaleur et réconfort. Exilés politiques ou économiques, réfugiés de guerre : l'auteur fait le portrait touchant de ces jeunes pleins d'espoir mais un peu paumés qui ont bravé tous les dangers et franchis de nombreuses frontières pour commencer une nouvelle vie. Servi par un dessin chaleureux et coloré, Droit d'asile est un ouvrage militant qui, du coup, souffre de quelques maladresses intrinsèques à sa conception même. Des défauts qui n'en font pas moins un ouvrage poignant et passionnant.
Droit d'asile, Étienne Gendrin, éd. Des Ronds dans l'O, 96 p., 16 euros, aujourd'hui en librairie
Dans un futur proche. La population est broyée par un régime autoritaire et liberticide. Les opposants sont muselés, voire arrêtés et jetés en prison. Malgré tout, certaines voix se font toujours entendre parmi eux, pour des raisons diverses et variées. Lynn cherche toujours à savoir ce qu'est devenu son mari, disparu depuis plusieurs semaines alors qu'il était en mission dans l'espace. La sœur de Lynn, qui travaille dans un ministère, l'aide dans sa quête. Floréal, journaliste d'opposition, enquête justement sur cette mission et son destin tragique. Tous les deux embarquent pour partir à sa recherche tandis que l'auteur du Metronom', conte satirique et anti-gouvernemental, n'a toujours pas été identifié.
Un futur proche et cohérent. Un régime autoritaire et réaliste. Un mystère. Une quête. Éric Corbeyran a réuni tous les ingrédients pour faire de Metronom' une tétralogie digne des meilleures séries d'anticipation en bande dessinée. Enki Bilal, l'un des maîtres de la SF, avait d'ailleurs écrit la préface du premier tome. Si cette série n'est pas parfaite, elle séduit par son récit rythmé, son suspense haletant et son dessin propre et efficace.
Metronom', t.2 - Station orbitale, Corbeyran et Grun, éd. Glénat, coll. Grafica, 54 p., 13,50 euros, disponible
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