Né l'année du lancement de la série XIII sur une terre qui a donné naissance à quelques grands noms du 9ème art (dont Jacques Martin et Blutch), je n'ai pas vraiment été élevé dans le culte de la bande dessinée, même si la littérature a bercé ma jeunesse. Mon enfance est partagée entre les incontournables de la ligne claire et les comics Disney et Marvel. Ce n'est qu'à l'adolescence - par le biais de ma passion pour l'aéronautique, de Buck Danny, de Tanguy et Laverdure, de Biggles et des autres - que je m'aventure vraiment dans les méandres de la bande dessinée. Un univers sans fin dans lequel j'aime me perdre, cueillant au passage quelques perles qui feront autant de grands moments de lecture. De Bilal à Goscinny, de Van Hamme à Tardi, ces influences plurielles guident toujours mes choix aujourd'hui et prouvent qu'il existe de la bande dessinée pour tous les goûts. L'important étant d'essayer avant de juger.
Le dessinateur de RanXerox nous a accueilli dans son atelier du Point Éphémère à l'occasion de la réédition du recueil Les Femmes et de la sortie d'une version illustrée des Onze mille verges, sulfureux roman érotique signé Guillaume Apollinaire.
Il faisait chaud ce jour-là, très chaud. On aurait cru que Le Point Éphémère, l'un des hauts lieux de la culture bobo à Paris, avait été transformé en four. A l'étage, où se trouvent les ateliers des artistes, la chaleur était étouffante. Difficile de rester crédible lorsque des gouttes ne cessent de dégouliner le long de sa joue pour aller s'écraser sur le carnet de note. On se rassure toutefois en constatant que Gaetano - alias Tanino - Liberatore est encore plus trempé que nous. « Je sue toujours d'un côté, je ne sais pas pourquoi. Je suis mouillé d'une côté, mais pas de l'autre ! », plaisante-t-il en s'essuyant le front avec un mouchoir avant d'ajouter : « Bon, que voulez-vous savoir ? ». Peut-être revenir aux fondamentaux et un ovni dont le premier tome, sorti en 1981, a fait connaître ce dessinateur né à Quadri, dans les Abruzzes, en 1953. « Fondamentalement, je suis un illustrateur », corrige-t-il immédiatement. « RanXerox était un essai. J'ai appris la technique de la bande dessinée avec cette série. Lucy (sortie en 2007, ndlr) se voulait une BD sur le long terme. C'était bien, mais l'aspect marketing était raté et cela n'a pas bien marché. Du coup je ne pense pas refaire un jour de la bande dessinée ».
Installé en France depuis 1982, Tanino Liberatore se consacre aujourd'hui pleinement à l'illustration et à la peinture : « ma technique de base est le crayon, mais l'aquarelle m'a également donnée satisfaction. Elle a un côté imprévisible. Pour mes tableaux, j'utilise de la peinture acrylique ou à l'huile ». L'auteur ne s'interdit toutefois pas quelques escapades dans le domaine du cinéma et de l'animation. Il a ainsi créé les costumes du film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, d'Alain Chabat, celui même qui a achevé l'écriture du troisième et dernier volet de RanXerox, dix ans après la disparition du scénariste Stefano Tamburini. Après avoir sorti l'année dernière une version enrichie de l'intégrale de ce monument de la science-fiction, les éditions Drugstore ont récemment réédité Les Femmes et, surtout, publié Les Onze mille verges, version illustrée par Liberatore du roman érotique de Guillaume Apollinaire. « J'ai utilisé des papiers de couleur. Ça donne une certaine modernité tout en rappelant les teintes et les ambiances du début du siècle. Ça ressemble presque à des gravures ».
L'ouvrage est cru et dur ; les illustrations sont sans ambages. Les corps dénudés et parfois forcés de jeunes femmes côtoient les vits en érection de mâles en rut. Une force et une violence incroyables qui n'enlèvent rien à la beauté de l'ouvrage. « Ce n'est pas de la pornographie, c'est de l'érotisme », se défend l'artiste italien. « Ce sont les gens malsains qui y voient de la pornographie. Le sexe fait partie du monde animal. C'est fondamental ! ». Tanino Liberatore avoue toutefois avoir été « choqué » lors de sa première lecture de l'œuvre du poète français. « C'est une histoire où il y a plus de sang que de sperme. Le héros est un salaud, même s'il respecte les règles du milieu ». Instinctif et viscéral, Liberatore avoue travailler « dans une espèce de transe inconsciente ». « Quand je dessine une femme, j'ai envie de la posséder. Mais en réalité, je crois que j'ai peur des femmes. C'est elles le sexe fort ! ».
Les Onze mille verges, Apollinaire et Liberatore, éd. Drugstore, 105 p., 35 euros, disponible
Les Femmes, Tanino Liberatore, éd. Drugstore, 168 p., 30 euros, disponible
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